Insignifiante voyageuse (2e partie)

Cette réflexion, ces réalisations, ce n'est pas la première fois que je les ai. Presqu'à chaque voyage, je frappe ce mur qui chamboule mes croyances et qui me force à remettre en question mes valeurs et la priorité que je leur accorde. Chaque fois que je reviens d'un périple, je me demande comment ma vie au Québec pourra encore faire du sens, comment je pourrai reprendre mon quotidien en toute intégrité, sans ignorer ce que j'ai vu, vécu et appris.

Et puis, après un moment, je repars, comme si je croyais que je pouvais aller encore plus loin dans ce cheminement, comme si je sentais qu'il y avait encore plus à voir, à apprendre, à confronter et à changer.

Quitter un emploi sécuritaire et payant, vider son appartement de toutes ses possessions, renoncer au confort et à la facilité d'un environnement connu, c'est un peu radical, quand même. Je pense, qu'inconsciemment, c'est une façon de crier haut et fort qu'on n'est pas d'accord avec cette réalité toute tracée et qu'on va aller voir ailleurs s'il n'y a pas mieux.

Et finalement, on trouve pire.
Mais voir la misère et le malheur, ça permet de relativiser. Et voir le contentement dans la misère et le bonheur dans le malheur, c'est révéler des pistes de solution. C'est trouver l'inspiration pour changer le monde petit à petit. Et je crois qu'il ne faut pas minimiser ou sous-estimer l'impact des petits gestes du quotidien.

Il m'apparaît impossible de retomber dans la vie que j'ai connue sans faire des choix différents, sans être chaque jour reconnaissante de la chance que j'ai.

Le vécu, la connaissance et le savoir ont un poids. Parce que je suis assez privilégiée pour arpenter le monde et m'en émerveiller, je porte maintenant ce poids. C'est le poids de la responsabilité.

Responsabilité de faire des choix éthiques, par respect du travail accompli et de la Vie avec un grand V. Responsabilité de faire des choix écologiques, par respect des ressources limitées qui nous sont offertes et, encore une fois, de la Vie. Responsabilité de faire des choix à la fois minimalistes et grandioses. Minimalistes dans le sens qu'on n'a jamais besoin d'excès pour atteindre le bonheur (matériel, nourriture, argent, relations, etc.) et grandioses dans le sens où chaque effort investit peut avoir une grande portée autour de nous (altruisme, amour, gratitude, partage, etc.). Comment minimiser mon impact négatif dans ce monde tout en maximisant mon impact positif?

Alors qui suis-je? Et quel est mon rôle dans ce monde? Moi, qui ne suis qu'une insignifiante jeune femme qui a le luxe de voyager, je n'ai pas le poids de tout changer...

Mais moi, qui ai connu des réalités précaires, je peux reconnaître la chance que j'ai au quotidien et agir avec gratitude et humilité face aux options qui s'offrent à moi.

Mais moi, qui ai reçu tellement de la part de gens qui n'avaient presque rien à offrir, je peux redonner à mon tour et contribuer au bien-être de mon prochain.

Mais moi, qui ai vu les beautés de la nature et qui connais les ravages qu'on peut y faire, je peux agir quotidiennement avec respect face à sa grandeur et à son importance vitale.

Mais moi, qui sais que le monde à encore beaucoup de vérités à m'enseigner, je peux continuer d'être curieuse, d'apprendre et d'évoluer pour devenir chaque jour une citoyenne plus informée et plus responsable.

Mais moi, qui sait exprimer mes expériences et mes réflexions à travers les mots, je peux partager mon cheminement et être un agent de changement, une influence positive pour ceux qui me lisent et qui ont l'ouverture de se remettre en question à leur tour.

Moi, insignifiante voyageuse, c'est le moindre que je puisse faire.