On était déjà maganés d'un virus tropical qu'on croyait avoir attrapé quelques jours plus tôt. Notre peau se remettait à peine des picots rouges qui l'avaient envahie, l'énergie nous revenait lentement-mais-sûrement et les muscles reprenait tranquillement de leur force. Ce matin-là, nous quittions notre petit refuge paradisiaque d'où nous reprenions du poil de la bête pour amorcer notre nouvelle vie d'employés auberge de jeunesse. De Sayulita, nous nous rendions à Mazatlan et de longues heures d'autobus nous attendaient. Sept longues heures qu'on a endurées le cœur sur la flotte.
Quand on est finalement arrivés, crevés, le moral à plat, on s'est même chicané un peu, pour une niaiserie qu'on croyait important de débattre. On n'avait presque rien mangé depuis nos toasts du matin alors on s'est dit qu'on devait aller souper. On a demandé aux autres pour une taqueria dans le coin puis on est partis en essayant de régler notre mésentente insignifiante. Alors qu'on tournait le coin, à travers la clôture d'une grosse maison, un immense chien de type berger allemand est sauté à la hauteur de mon visage en jappant agressivement. J'ai facilement peur des chiens, mais depuis le début du voyage, j'ai eu affaire avec beaucoup d'entre eux et disons que je me suis habituée et que j'en ai même apprivoisé certains. Tout de même, celui-là m'a surprise et je me suis tassée d'un pas vers le centre du trottoir, question de lui laisser son territoire. Pendant cet incident, j'ai sursauté, certes, mais je suis restée super calme et on a tout bonnement continué notre route. Sauf que trois pas plus loin, alors que j'expliquais à David le pourquoi du comment de mes émotions de la vie et de ses défis, le maudit bâtard de chien se sort la moitié du corps entre les barreaux et me mord le haut de la cuisse! Pop, le bouchon a sauté. C'en est trop. Je pète une coche, je saute une fiouse. J'engueule le chien sale à grands coups de Québécois bien sortis des bas fonds de mes tripes et David prend quelques secondes à réaliser ce qui vient d'arriver. Il prend alors le relais dans les insultes canines alors que j'avance, sous le choc, vers un banc sur lequel je m'effondre finalement pour pleurer à grands sanglots, du plus profond de mes poumons. David s'approche et me serre dans ses bras, notre malentendu n'importe plus. J'ai besoin de lui et il est là. C'est tout ce qui compte. Ça, et constater les dégâts de la morsure - parce qu'on ne rigole pas avec la rage quand on est en voyage. C'est finalement plus de peur que de mal, puisque le chien a mordu à travers mon short et que la peau n'a pas été transpercée. Ses dents ont seulement pincé ma cuisse assez pour former un vilain bleu instantané, mais je n'ai pas de plaie et sa bouche n'a pas été en contact direct avec moi. C'est au moins ça de sauvé, on n'a pas besoin d'aller à l'hôpital. Après être retournés à l'hostel pour désinfecter la zone (juste au cas, juste pour dire qu'on faisait quelque chose), on s'est finalement rendus dans une taqueria pour manger quelque chose. Après tant d'adrénaline, l'appétit n'était plus tant au rendez-vous, mais je préférais quand même manger un peu, question de digérer autre chose que mon tas d'émotions intenses des derniers temps. C'est donc dans un resto miteux, sur le bord de l'avenue principale, qu'on a mangé en silence, complètement découragés et encore trop abasourdis pour se plaindre de la musique techno beaucoup trop forte (mais qui n'arrivait même pas à couvrir le bruit des camions) et de notre journée misérable qui s'achevait enfin. Décidément, quelle journée de mierda! Note : Je suis bien consciente que je suis généralement choyée par la vie et que bien des gens ont des journées de mierda au quotidien. Cet article n'est donc pas une plainte formelle pour m'apitoyer sur mon sort, mais seulement un partage de ce qui se passe parfois dans ma tête et dans mon corps pendant ce voyage. Oui, oui, si je vous donne accès à mon nombril émotif, vous aurez droit au bon autant qu'au mauvais!
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Septembre 2020
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