Ça m’a pris du temps avant d’aimer Rishikesh. Malgré les montagnes et le Ganges encore pur qui traverse la ville, malgré les ponts qui s’illuminent la nuit et les chants qui résonnent à longueur de journée. Et malgré le fait qu’on l’appelle la capitale du yoga, je n’ai pas connecté immédiatement avec la ville.
En fait, peut-être que c’est justement l’une des raisons pour lesquelles j’étais dubitative : le yoga. Je venais y suivre un YTT (Yoga Teacher Training), mais il y avait quelque chose en moi qui faisait « mgneh ». J’avais peur que ça soit overrated et que l’Inde avec laquelle j’étais tombée en amour soit contaminée par une gang de Westerners habillés en Lululemon qui parlent de chakras et d’aura, qui comparent leur handstands et qui ne mangent pas de gluten. Je n’avais pas tout à fait tord, mais ma propre arrogance me fait rire quand je pense que je fais aussi partie du lot...! Faut croire que j’avais secrètement envie d’être unique et spéciale dans mon trip d’égo. Bien sûr, que la ville tourne autour du tourisme et du yoga, que les locaux ne remarquent plus les épaules dénudées des touristes yogis insouciantes et que les bateaux de rafting qui défilent tour à tour sur le fleuve ne font pas très typiques du pays. Mais l’expérience que j’avais à vivre à Rishikesh, c’était ça. Pas l’Inde culturelle et authentique, mais plutôt l’exploration du yoga dans un drôle de mélange de modernisme et de tradition. Et dans la continuité de mon chemin spirituel après Vipassana, ça a finalement fait du sens. À travers les cours de philosophie yogiques et les notions d’Ayurveda, mon enthousiasme pour les conceptions orientales du monde ne s’est qu’enrichit. À travers ma nouvelle famille de profs de yoga, j’ai continué d’apprendre et de cheminer via les disciplines ancestrales qu’on était venus étudier, mais j’ai aussi fait face aux aléas de nos sociétés modernes et aux contrastes créés par nos racines occidentales. Un petit choc culturel qui demande à se positionner et qui remet les choses en place. Bref, quand j’ai su laisser tomber mes attentes et mes jugements, quand j’ai finalement lâché prise et que j’ai suivi le courant de ce que cet environnement avait à m’offrir, j’ai découvert les véritables trésors qui m’attendaient. À part mon diplôme de 200hrs YTT, j’ai ramassé au passage de nouvelles amitiés significatives, des apprentissages importants et un tas de nouveaux souvenirs accumulés au fond de ma boîte crânienne et de mon cœur. Et c’est en regardant les couchers de soleil tous les soirs, en admirant les montagnes environnantes et en dansant librement sur le toit de l’école que je me disais « Hey, je suis en Inde. » et que, soudainement, l’idée de rentrer à Québec en juin a cessé de m’inspirer. Mais ça, c’est une autre histoire.
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Prendre le train et arriver à Pushkar. Avoir le sentiment d’y être déjà venue, de connaître l’endroit. Tomber en amour. Pleurer. Faire une offrande Pooja. Rayons de soleil entre les vaches et les gens. Tout est beau. Je suis en amour. Prendre une chambre dans un guest-house crade. Champ de fleurs, champ de déchets. Résister un peu. Crottes de vache, crottes d’oiseau. Marchés colorés, pierres réellement ou faussement précieuses et macramé. Entre dédain et amour. Je suis en amour, malgré le dédain. Histoires de gypsies. Méfiance. Accolades, rires et partage. Histoires de gypsies. Vraies ou pas vraies, finalement je m’en fout. Un tour de lac, lèche-vitrines, ou plutôt lèche-comptoir. Ne voir que les trésors d’Alibaba. Matins sur le toit du guest-house. Des étrangers qui se parlent tous en anglais même si ce n’est la langue d’aucun. Regards bienveillants, les vraies questions, les vraies affaires. Ben des niaiseries aussi. Absurdités. Good vibes. Deux tours de lac, se faire reconnaître. Voir les babioles, mais aussi les gens qui les vendent. Matins sur le toit du guest-house. Partage de chai, de shillom et d’amour. De rires, surtout. D’amour. Je suis en amour. Trois tours de lac, blaguer et sourire de complicité. Voir l’humain, connecter. Tomber en amour encore. Être inspirée. Mélanger tout ça et peindre des portraits. Se faire une place, s’impliquer et s’engager dans l’endroit. M’imprégner en lui, mais surtout l’imprégner en moi. C’est beau, c’est fort. Connections silencieuses, âmes qui vibrent ensemble sans un mot. Tout qui vibre, et qui vibre fort. Aller voir le coucher de soleil tous les soirs, mais sans jamais le regarder, penchée sur mes gribouillis d’humains. Une grande lumière, beaucoup de joie. Être présente, écouter et sentir, t’sais, pour de vrai là. C’est beau, c’est fort. Je ne sais plus combien de tours de lac. Maquillages de visages d’enfants du désert. Soupers en famille, pas la mienne, mais c’est tout comme. Tresses dans les cheveux gras d’une fillette. Henné qui tache les ongles. Partage et amour. C’est tout ce qui compte. Le rebord de ma jupe sûrement plein d’effleurages de bouses. Prendre le chai avec des propriétaires de boutique. Discussions de chakra et de karma ou de bang lassi et de Holi. Couleurs. C’est Holi. La ville se poudre, les gens s’enivrent. Ma face ensevelie de vert, les vaches devenues de fluo, mon gilet taché de bleu. Scène d’après-guerre au village. Un après-guerre teinté de rose et à saveur de lendemain de veille. Pas pour moi. J’étais shanti shanti, dans une autre énergie. Trop plein de tout. Visite au temple. Méditation dans le vent. Le vent Rajasthani. Grand nettoyage désertique. L’après Holi, les départs. Au revoir et accolades. Faire une autre offrande Pooja. Des étoiles dans les yeux. Le pardon, l’amour et la joie dans le cœur. S’en aller aussi.
Pendant près d’un mois, j’ai vécu dans un temple bouddhiste à méditer, assise ou en marchant, du matin jusqu’au soir. J’ai écouté un moine me donner de sages et mystérieux conseils presque à tous les jours, me laissant parfois dans une confusion profonde et sombre, mais aussi parfois dans un état lucide et limpide. Je me suis prosternée devant Buddha et j’ai pieusement assisté à des cérémonies de chants religieux parce que ça me faisait sincèrement du bien, parce que ça venait de moi, ça venait d’en dedans. J’ai pleuré, sangloté même, en passant le balai dans le jardin, mais aussi à plusieurs autres reprises. J’ai ri, je me suis esclaffée même, en regardant l’horizon le regard vide, mais aussi à plusieurs autres reprises. J’ai trop dormi, pas assez dormi, mais aussi juste assez dormi, même si c’était vraiment moins que d’habitude. J’ai rêvé. J’ai rêvé dans un autre rêve. J’ai perdu le sens de ce qui différencie le rêve de la réalité. J’ai flotté, je suis tombée. J’ai vibré, j’ai figé. J’ai senti des vagues d’énergie intense, je n’ai rien senti du tout. Je n’ai pas parlé, je me suis isolée. J’ai parlé, je me suis ouverte. J’ai douté. Oh, comme j’ai douté. J’ai cherché. Oh, comme j’ai cherché. Je ne me suis pas sentie mieux quand j’ai trouvé. J’ai seulement cherché plus. J’ai arrêté de chercher. Je me suis sentie mieux. J’ai brillé. Et douté encore un peu. J’ai mystiquement connecté avec ma famille. J’ai développé de la complicité avec des statues en béton. J’ai porté en moi la lumière du soleil. Je me suis trouvée ridicule. Je me suis vue puissante et forte. Je me suis sentie insignifiante. Je me suis reconnue imparfaite. J’ai marché. Lentement. Mais vite aussi parfois. Trop vite pour que ça serve à quoi que ce soit, considérant que je n’allais nulle part. Je me suis endormie en marchant. Je me suis endormie assise. J’ai fait 3 pas et un quart de tour en 20 minutes. J’ai pensé, pensé, pensé à arrêter de penser. J’ai chialé à l’idée de devoir faire encore un seul pas. Je me suis sentie tellement bien, légère et lumineuse. J’ai procrastiné, reporté et évité des méditations. J’ai médité sans le savoir. J’ai médité en pleine conscience. J’ai respiré. J’ai passé des moments présents à contempler les images de mon passé et les idées de mon futur. J’ai pratiqué la pleine conscience, recroquevillée en fœtus dans mon lit inondé de larmes. Mais aussi à des moments plus glorieux. Et aussi parfois pas du tout - fuck it, je déconnecte. J’ai touché des points avec mon mental. J’ai vu la vie telle qu’elle était. J’ai remis en question ce qu’est la vie. J’ai vu, j’ai senti, j’ai perçu. J’ai cessé de voir, cessé de sentir, cessé de percevoir. C’était tellement beau. J’ai eu des intuitions, j’ai su. Puis, plus vraiment. J’ai compris que ça allait toujours être comme ça. Ça m’a libéré. J’ai observé toutes sortes de choses arriver, passer et s’en aller. Puis, finalement, c’est le temps qui avait passé et c’était déjà la fin de notre retraite. Je suis revenue dans le monde extérieur. À l’extérieur du temple, à l’extérieur de moi. Quelle différence, au final? J’ai continué d’observer. Mais j’observais que ça changeait, que c’était arrivé, que ça passait et que ça s’en allait aussi. Il y avait au moins ça de constant. L’impermanence. C’était la meilleure pire expérience de ma vie. Pis je vais y retourner et recommencer. Photo prise par les moines de Wat Ram Poeng (Tapotaram), à Chiang Mai, Thaïlande
On partait pour une nouvelle aventure et, tant qu’à faire, on s’est dit qu’on allait y aller comme de vraies exploratrices : en bateau sur le plus long fleuve d’Asie du sud-est, à travers la jungle du Mékong.
Ça nous a pris 2 jours entiers pour nous rendre de la frontière de la Thaïlande à Luang Prabang, une charmante petite ville laotienne que l’UNESCO a même classée comme patrimoine mondial. Pendant la croisière en slow boat, entassées avec des dizaines d’autres touristes, on a pu admirer les buffles qui se prélassaient sur les petites plages longeant le fleuve et envoyer la main aux enfants des villages où on s’arrêtait pour déposer des provisions. Malgré la pauvreté qui contrastait avec la Thaïlande, le peuple du Laos nous a paru simple et souriant, avec leurs regards doux et leurs belles joues rondes. Quand nous sommes finalement arrivées en ville, nous avons dû convertir nos cerveaux autant pour la monnaie que pour la langue, changeant nos « Sawa Dee Ka » pour des « Saba Dee » en guise de salutation et notre équivalence de 26 baht (monnaie thaï) en quelques 6597 kip (monnaie lao), pour 1$CAN. L’héritage français de ce pays nous a tout de suite frappé, quand on a vu les inscriptions officielles dans notre langue natale, mais aussi (et surtout), quand on a repéré les multiples boulangeries qui offraient baguettes et pâtisseries, nous mettant ainsi l’eau à la bouche. Et parlant de Français, c’est un cousin européen qui nous a accueillies quand on s’est pointées au rendez-vous pour amorcer notre bénévolat dans la région. On pensait qu’on allait aider dans une ferme familiale, mais finalement c’était plutôt un parc naturel des plus jolis. On n’y voyait vraiment pas d’inconvénient...surtout qu’on pouvait entreprendre le projet de notre choix, qui s’est finalement avéré être la création d’une fresque à l’accueil du parc. Pas pire, on a 3 semaines à passer dans un endroit merveilleux, à faire de l’art tous les avant-midis, le soleil dans le dos (j’ai de magnifiques démarcations de bronzage sur les mollets, là où mes leggings arrêtent). On a vu pire! Notre séjour au Laos a été des plus paisibles, très casanier, même. La maison où on était logées étant un peu a l’extérieur de la ville et nos journées au parc étant très longues (parce qu’on devait y rester même lorsque nos heures étaient complétées), on passait le reste de nos soirées à jaser avec les autres volontaires, à faire des bijoux et de l’art, écrasés sur le divan du balcon sous des airs de musique beeeeen tranquille. Même pendant nos jours de congé, Kéane et moi avons gardé un rythme plutôt lent et routinier, favorisant grandement les petits moments de réconfort impliquant habituellement des cafés latte et des morceaux de gâteau pendant des après-midi complets à s’inspirer et à composer. Y’a bien une fois où l’aventurière en moi s’est réveillée, quand je suis partie pour une journée complète de vélo avec un inconnu rencontré la veille dans un café. On a fait 60 km de chemin de terre pour aller voir une magnifique chute devant laquelle on a pique-niqué. Il y a aussi eu quelques événements spéciaux, comme la fois où un shaman est venu faire une cérémonie pour purifier le parc après que 2 employés et 1 cygne noir aient été blessés (le cygne est décédé) par des bambous et aussi la fois où un ami rencontré en Thaïlande est venu nous visiter mais qu’on a finalement passé la moitié de la journée à sauver (ok, aider) deux Québécoises qui avaient fait un accident de scooter devant nous. Mais sinon, les jours passaient et se ressemblaient et c’était correct comme ça. Noël est finalement arrivé et on a souligné ça avec la gang d’employés du parc avec beaucoup trop de bouffe, de Beer Lao et un échange de cadeau douteux duquel Kéane et moi (et les 3 autres volontaires) avons hérité d’un magnifique chandail d’une compagnie quelconque, de couleur fluo ou pastel, complètement horrible et superflu pour nos sacs à dos, mais c’était pas grave, c’était chou et c’était juste pour le fun. Les cuisinières étaient bien contentes quand on leur a finalement légué les t-shirt, en guise de remerciement de nous avoir si bien nourries tout ce temps, même si on a mangé beaucoup trop de sticky rice pour ce que mon système digestif pouvait gérer (mais ça, vous ne voulez pas le savoir). Puis on a finalement pris un bus de nuit pour s’en revenir à Chiang Mai, en Thaïlande, juste à temps pour voir l’envolée de lanternes du jour de l’an. Et c’est ici qu’une nouvelle grande étape nous attend dans les prochains jours, alors qu’on s’apprête à s’isoler et méditer pour près d’un mois dans un temple bouddhiste. En attendant, je fais fi des résolutions de la nouvelle année en mangeant encore du gâteau...mais c’est peut-être aussi un peu pour noyer dans un tas de crème fouettée et de chocolat ma fébrilité face à notre longue retraite fermée qui s’en vient un peu beaucoup trop vite... Je suis dans un trou noir, mais pas sombre pour autant. Je me retrouve dans un tourbillon de mille et une choses que je n’arrive plus tout à fait à distinguer les unes des autres. Je suis partie en voyage il y a plus d’un an déjà, laissant derrière moi une vie qui avait l’air des plus normales. J’ai vidé mon appartement pour ne garder que le contenu d’un sac à dos que je trimballe d’un endroit à l’autre, nomade, sans attache. J’ai quitté mon emploi pour pouvoir bâtir ma propre entreprise (par ici) sans trop savoir dans quoi je me lançais, mais confiante que j’allais éventuellement en faire quelque chose de bien. Je n’ai plus de chez moi à m’occuper, je n’ai plus de comptes à rendre à un employeur. Rien ne m’attend, je ne suis pas pressée. Je suis ma maison. Je suis mon voyage. Je suis mon employeur. Je suis mon employée. Mais où commence l’un? Où fini l’autre? Et moi, où suis-je dans tout ça? Qui suis-je? J’ai le monde devant moi et tout est possible. Tout est tellement ouvert que je ne connais plus de limites, que je ne sais même plus d’où le vent arrive. Je n’arrive plus à trouver le nord, désorientée dans mon désert. Mais je ne suis pas malheureuse, bien au contraire. J’ai beau être au milieu de nulle part dans une zone indéfinie et floue, je suis convaincue que je suis au bon endroit. Je lève la tête, je regarde les étoiles. Je sais qu’elles peuvent m’orienter, mais je n’arrive pas encore à les lire. Je ne vois aucune trace, aucun chemin autour de moi. Je pense que je vais m’asseoir pour un moment. J’ai le temps, de toute manière. Je vais fermer les yeux et écouter ce qui se passe en dedans. Si la réponse ne vient pas de l’extérieur, peut-être viendra-t-elle de l’intérieur? Œuvre de mon papa Jules Morissette : https://julesmorissette.weebly.com/
Il y a toujours un endroit marquant dans un voyage, une place qui se mérite un statut particulier entre toutes les autres destinations qu’on a faites et qu’on fera. Il y a toujours ce lieu autour duquel tourne le reste du voyage, à partir duquel on compte le temps - avant ou après telle ville - et où on se sent un peu plus à sa place que dans les autres destinations.
Pour ce voyage-ci, c’est Chiang Mai. Le périple est encore jeune, après à peine un mois, mais déjà on sait que cette ville du nord de la Thaïlande fera partie de nos moments forts, de nos endroits coups de cœur de l’Asie du sud-est. On a beau dire qu’on n’est pas des filles de ville, Kéane et moi, mais Chiang Mai a juste la bonne dose citadine pour qu’on puisse en profiter. Avec ses nombreux marchés qui animent les rues différemment selon si c’est le jour ou le soir, avec son grand parc où petits et grands (surtout les grands, en fait) se rassemblent pour jouer, avec ses restaurants de toutes sortes (mobiles ou non) qui servent un choix de plats tous les plus savoureux les uns que les autres, Chiang Mai offre les bons côtés de la vie urbaine tout en restant authentique et unique. Encadrée par ses anciennes fortifications et longée par une rivière, et pas trop loin des montagnes non plus, la vieille ville a juste ce qu’il faut de charme et d’histoire pour la rendre vraiment intéressante. Mais c’est aussi à cet endroit que nos intentions respectives, à Kéane et à moi, ont réellement commencé à se manifester. À Chiang Mai, l’espoir que Kéane avait de guérir son eczéma a pris la forme d’un thérapeute rencontré par hasard et qui est devenu notre ami. À Chiang Mai, le désir que j’avais de ramasser de nouveaux outils professionnels s’est concrétisé par des formations multiples et de magnifiques expériences reliées à la massothérapie. C’est aussi là que Kéane et moi avons réellement retrouvé notre rythme commun, la zone dans laquelle notre relation est à son meilleur, pleine de vérités, d’entraide et d’amitié profonde. Nous sommes comblées. Ou presque. Je dis presque, parce qu’avec tout ça, on n’aura pas vraiment pris le temps de visiter le nord de la Thaïlande avant que notre visa arrive à échéance. Alors que nous prenons la route pour le Laos, il nous reste une impression qu’il y a quelque chose d’inachevé avec son voisin du sud. Mais nous avons déjà prévu y revenir, c’est certain! La semaine passée, Kéane et moi avons jeûné pendant 3 jours.
L’objectif de cet article n’est pas de démystifier le jeûne, d’en vanter les bénéfices ou de décrire ses effets physiologiques. J’ai beau avoir lu beaucoup sur le sujet, d’en connaître les pours et les contres, je ne suis pas une spécialiste. Mais je veux bien vous parler de mon expérience personnelle parce que je crois que c’est tout de même intéressant. Voici donc comment le jeûne a changé ma façon d’aborder la vie. Développer sa force de caractère Refuser de manger même quand il y a un plat appétissant sous nos yeux et qu’on est affamé, ça demande de la discipline et de la rigueur. C’est un duel entre le corps et le mental, c’est la raison qui doit l’emporter sur l’instinct de survie. Mais c’est un combat que j’avais moi-même choisi et dont je connaissais la nature temporaire. Et garder ça en tête, ça a fait toute la différence dans les périodes plus difficiles. Me responsabiliser pour la façon dont je reçois ce qui m’arrive et assumer mes choix allait rendre les épreuves plus acceptables. Je me suis dit : « Tiens, voilà une façon d’aborder la vie qui pourrait m’être bénéfique au quotidien. Je crois que je vais l’adopter. » Éprouver de la gratitude À partir du moment où on a pris la décision qu’on allait jeûner, je me suis mise à ressentir une immense gratitude envers les aliments que j’ingérais. Je me suis mise à regarder ma nourriture, à la sentir, à décortiquer chaque nuance de ses saveurs. J’ai même joué à apprivoiser des goûts qui me rebutent habituellement jusqu’à finalement y trouver des notes agréables et créer des souvenirs positifs en lien avec l’aliment en question. Je me suis dit : « Tiens, voilà une façon d’aborder la vie qui pourrait m’être bénéfique au quotidien. Je crois que je vais l’adopter. » Gérer son impulsivité À force de ne pas suffisamment être nourrit, mon corps s’est mis à envoyer des signaux de faim. Le ventre qui gargouille, un tiraillement dans l’abdomen et des humeurs incertaines. Habituellement, j’aurais immédiatement répondu à ces cris d’alarme et j’aurais donné à mon corps ce qu’il voulait dans un sentiment d’urgence pour le défendre. Mais là, puisque j’avais choisi de ne pas manger, j’attendais et j’écoutais. Dans un même ordre d’idée, plutôt que de réagir impulsivement à une situation, je me suis mise à identifier les émotions qui surgissaient, sans poser d’actions immédiates en lien avec elles. J’ai réalisé qu’elles étaient passagères et parfois démesurées, autant que la sensation de faim qui venait et qui allait par vagues. Je me suis dit : « Tiens, voilà une façon d’aborder la vie qui pourrait m’être bénéfique au quotidien. Je crois que je vais l’adopter. » Innover Au fur et à mesure que les jours passaient, mon niveau d’énergie diminuait. Je peinais à exécuter des activités qui ne me posent normalement aucun problème. En réponse à cette faiblesse, j’ai dû adapter mes occupations pour ne pas dépasser mes limites. Plutôt que de bouger, je me suis mise à faire des projets créatifs, à philosopher, à méditer et à écrire. Au lieu de vivre de la frustration par rapport à mes contraintes, j’ai cherché de nouvelles façons d’utiliser mon potentiel et d’ainsi m’épanouir. Je me suis dit : « Tiens, voilà une façon d’aborder la vie qui pourrait m’être bénéfique au quotidien. Je crois que je vais l’adopter. » Honorer son corps Alors que les muscles de mon abdomen devenaient de plus en plus tendus, je me suis mise à me sentir coincée et inconfortable dans mon corps. Le reflet de mon ventre étrangement plat dans le miroir ne laissait pas paraître la sensation d’étouffement que je vivais en-dedans. Je me suis mise à être reconnaissante pour mon corps habituel qui est sain et dans lequel je suis confortable. Je me suis mise à honorer tout ce qu’il me permet de faire, de vivre et de ressentir. Je me suis dit : « Tiens, voilà une façon d’aborder la vie qui pourrait m’être bénéfique au quotidien. Je crois que je vais l’adopter. » Écouter son corps En réintroduisant graduellement une diète normale, de nouvelles sensations ont fait surface. Après 3 jours à avoir faim, j’en étais venue à oublier l’effet de la satiété. Je pense même que je n’avais plus réellement reconnu la satiété depuis des années. Le fait de prendre chaque bouchée lentement, avec pleine conscience, me laissait le temps et l’espace nécessaire pour identifier la satisfaction d’avoir bien mangé, m’évitant ainsi les sensations de gonflement et de culpabilité qui accompagnent généralement la gourmandise. Je me suis dit : « Tiens, voilà une façon d’aborder la vie qui pourrait m’être bénéfique au quotidien. Je crois que je vais l’adopter. » Pendant cette période de jeûne, je me suis prouvée encore d’une autre façon que j’avais les outils et la force intérieure pour affronter les épreuves de la vie. J’ai appris à connaître un peu mieux mon corps et son langage, j’ai identifié des mauvais plis que j’avais pris en lien avec la nourriture et j’ai saisi cette opportunité pour tenter d’intégrer de meilleures pratiques alimentaires à mon quotidien. Le jeûne est une expérience exigeante, mais dans mon cas, l’aventure a encore été bénéfique! *** Comment ça fonctionne, le jeûne? Le principe du jeûne, c’est de limiter sa consommation d’aliments pendant un temps donné, mais il y a autant de façons de faire que de croyances sur leurs bénéfices. J’ai déjà fait des jeûnes de 24 heures pendant lesquelles je ne buvais que des liquides clairs comme de l’eau ou des tisanes. J’ai aussi tenté le jeûne intermittent pendant quelques mois, ne mangeant que dans une fenêtre de 8 heures par jour. Cette fois-ci, Kéane et moi avons fait un jeûne partiel pendant lequel nous n’avons mangé que 2 fruits à chacun des 3 jours de l’expérience. Je connais aussi des gens qui font un jeûne complet pendant 10 jours en ne buvant que de l’eau de coco. Peu importe le type de jeûne, il faut toujours compter une période de transition avant et après la période de restriction. Bien entendu, la transition pour un jeûne de 10 jours se fait beaucoup plus graduellement et plus lentement que pour le jeûne d’une seule journée. Pourquoi décide-t-on de jeûner? Parce qu’on croit que ça peut être bénéfique pour nous jusqu’à un certain degré, physiquement, mentalement ou spirituellement. Je n’élaborerai pas plus sur cette question parce que, selon moi, beaucoup de réponses peuvent être bonnes et beaucoup d’autres peuvent être mauvaises et que c’est libre à chacun d’en juger. Ceci étant dit, je crois qu’il est important (primordial) d’avoir une condition physique adéquate et de ne pas avoir de trouble obsessionnel alimentaire avant de tenter l’expérience. Pour le reste, si ça vous intéresse, je vous invite à bien vous renseigner et à vous en faire votre propre idée. On dit souvent que la maison est là où le cœur est. Dans mon cas, c’est à beaucoup d’endroits, puisqu’il m’arrive souvent de laisser un petit bout de mon cœur en échange de toute la beauté du monde, de toute la générosité des gens que je rencontre.
Je reviens de Koh Phayam, une île au sud de la Thaïlande qui résiste toujours au tourisme de masse et je suis (encore) tombée en amour. Dans cet endroit, j’ai trouvé ressourcement et inspiration, mais surtout, j’ai trouvé d’autres membres de ma tribu - de MES tribus, devrais-je plutôt dire! Vous savez, cette étincelle qui s’allume dans les yeux de ceux qui parlent le même langage, de ceux qui partagent les mêmes idées et passions? Il y a d’abord eu Max, Freddy et Marcus, d’autres touristes rebels qui préfèrent s’installer pour un petit bout et graviter autour des mêmes endroits que de tout voir, tout visiter. C’est en leur compagnie qu’on a fait des feux sur la plage, qu’on partageait nos repas au restaurant du coin et qu’on faisait des jam improvisés. Puis, il y a eu Ben et Tabia, les Allemands acrobates qui jouent avec le feu (littéralement). C’est avec eux que j’ai parlé de yoga et de cirque et qu’on a joué tout un après-midi à se virer à l’envers et à se grimper dessus. Ensemble, nous avons partagé nos connaissances de l’acroyoga et nous avons poussé notre pratique une coche plus loin. Et finalement, il y a eu la gang de massothérapeutes qui nous ont massées, Kéane et moi, mais avec qui on est restées en contact parce qu’elles sont tellement belles à voir aller, dévouées et passionnées par leur travail et qu’elles sont vraiment drôles à côtoyer. Avec elles, j’ai eu le privilège et l’honneur de faire une soirée d’échange de massage durant lequel on s’observait et on se donnait du feed-back et des conseils mutuels. Le sentiment de connecter avec ce groupe de femmes et de partager les mêmes intérêts, ça m’a vraiment remplit le cœur de gratitude. Ce n’était plus Gab, la touriste et elles, les locales. C’était nous, les massothérapeutes et même si on baragouinait chacune dans notre langage, on arrivait à vraiment se comprendre. Et c’est exactement ce sentiment d’appartenance qui m’a pincé le cœur quand on a finalement pris le scooter-taxi pour s’en aller le dernier matin. Nous n’étions venues sur cette île que pour relaxer et vraiment prendre notre rythme de voyage, mais nous y aurons finalement aussi trouvé d’autres âmes avec qui connecter. Cesse d’avoir peur, Gab.
Tu reviens de la guerre. De petites guerres, certes, mais la guerre pareil. Et ça prend du temps, guérir. Tu reviens d’une longue et lente guerre contre un modèle de société qui t’as longtemps déçu, trahi même parfois. Mais tu t’en es sortie, tu as réussi à redéfinir tes règles à toi, à trouver ta vérité et ta façon de fonctionner. Tu reviens aussi d’une guerre plus crue, plus intense, d’un couple qui a échoué, dans lequel tu t’étais complètement abandonnée. Mais tu es passée à autre chose et tu as retrouvé ta lumière et ta force, ton indépendance. Cet été, tu es revenue de ces guerres sachant que tu les avais gagnées mais, affaiblie par tes blessures, tu es restée craintive que l’ennemi attaque de nouveau. Tu as gardé ton armure, tu as continué à brandir ton bouclier pour te protéger du monde extérieur, pour ne pas perdre tes nouveaux territoires durement conquis. Tu es revenue de voyage en défendant tes nouvelles croyances, ton nouveau mode de vie, mais ta critique parfois sévère face à l’environnement qui t’attendait et aux gens qui en font partie trahissait encore ton insécurité. Tu as parlé de ta rupture amoureuse comme si c’était facile, comme si votre amitié retrouvée était simple et fluide, mais ton déni face aux difficultés rencontrées trahissait encore ta peur de l’échec et du rejet. Tu t’es braquée, fermée, pour te protéger. Tu es passée en mode guerrière, te disant que tu n’avais besoin de personne, que t’allais passer à travers tes guerres. Rassure-toi, le chemin que tu as fait pour bâtir ta conception du monde ne s’effacera pas du jour au lendemain. Tu l’as bien vu, cet été, que tu as su rester la même, que tu avais consolidé tes acquis pour maintenant te construire une vie qui te ressemble. Rassure-toi, la distance que vous avez prise, ton ex et toi, elle est saine et normale. Elle ne signifie pas que tout est brisé et qu’il n’existe plus rien du tout entre vous. Tu l’as bien vu, cet été, que votre amitié est remplie de respect et de bonnes intentions. Laisse tomber les armes, Gab. La guerre est finie. Tu peux desserrer les poings, relâcher la mâchoire. Maintenant que tu guéris, ton armure ne fait que t’étouffer. Tu peux l’enlever. Oui, ça veut dire être vulnérable à nouveau, mais c’est correct. Tu es en sécurité. Laisse-toi inspirer, toucher, emporter par la vie et par les gens. Ta meilleure amie est avec toi, elle mérite que tu l’accueilles. Comme tous les autres, d’ailleurs. Tu vis ton rêve en Asie, tu peux redevenir disponible et absorber tout ce qui t’entoure, allez! Tu es guérie, Gab. Plus besoin de te fermer, de te protéger. Plus besoin d’avoir peur. Tu peux ranger l’attirail. Trop de bruit, trop de monde, pas assez d’air, pas assez de ciel. Des gens souvent bêtes qui manquent de considération pour les autres, un rythme effréné, ah oui, pis encore du bruit. Bienvenue en ville. Bienvenue à Hong Kong. Sauf que Kéane et moi, on était bien déterminées à commencer le trip à notre façon, à notre rythme. Dans toutes nos discussions pré-voyage, on parlait de lenteur, de zen, de ressourcement, de créativité et d’écoute de nos besoins. De la sainte paix, finalement. À première vue, Hong Kong n’avait rien à nous offrir pour atteindre ces objectifs. Sauf qu’au final, on s’en est plutôt bien sorties quand même! Pour avoir une autre perspective sur les bâtiments qui nous bloquaient la vue à chaque coin de rue, on s’est rendues de l’autre côté du canal, en fin de journée. Le ciel qui se colorait pendant le coucher du soleil n’était qu’une introduction à ce qui allait suivre puisqu’en soirée, Hong Kong offre quasiment un spectacle de lasers projetés de ses édifices. Le panorama coloré qui se projetait sur l’eau nous a momentanément réconciliées avec la ville. Pour oublier les nombreux visages blasés qu’on a croisé, on est allées faire un tour au Monastère des 10 000 bouddhas. Toutes alignées le long de la grande montée jusqu’au temple, les innombrables statues de bouddhas dorés nous attendaient, souvent souriantes, mais parfois avec une expression franchement bizarre qui nous faisait sourire à notre tour. Pour fuir le smog, on a marché sur le sommet d’une montagne tout un après-midi. On y a trouvé des paysages super intéressants et un semblant de ligne d’horizon mal défini entre la mer et le ciel, mais ça faisait du bien de pouvoir enfin regarder au loin. Pour faire changement du bruit de la ville, on a pris un bateau pour se rendre sur l’île Cheung Chau et s’asseoir sur la plage. Les pieds dans le sable, on a écouté le son des vagues tout l’après-midi et ça nous a apaisé. Et pour contrebalancer le rythme fou de la ville, Kéane et moi nous sommes permises de prendre notre temps, de faire seulement ce dont on avait envie, au rythme qui nous convenait. C’est ainsi que les matins, moi j’allais m’entraîner au parc du coin alors qu’elle commençait la journée plus doucement en travaillant sur ses prochains textes. Et les soirs, on mangeait au restaurant avant de rentrer et de s’endormir sur le divan-lit généreusement offert par notre hôte. Rien de compliqué, juste une petite routine à deux qui s’installe et un début d’aventure dans lequel on se respecte beaucoup. Ça augure bien pour la suite! Carte postale #1, Kéane et moi, Hong Kong de nuit
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Mai 2018
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