Pendant douze jours, tout au long des vendanges, on pensait à cet article de blogue, à cette fameuse publication sur les vendanges. Oh que nous étions inspirées. Tous les jours, nous aurions pu vous écrire pour raconter ce qui se passait et, surtout, comment on se sentait. Les vendanges, c’est un défi physique. Mais dans notre cas, ça a aussi été un défi psychologique. Mais bon, comme l’accès à Internet a été très limité, nous avons dû repousser chaque fois ce moment fatidique.
Il y aurait un million de façons d’écrire cet article, un million de manières de vous faire ressentir ce qu’on a ressenti là-bas. Par contre, aujourd’hui on a maintenant un recul par rapport à la situation. Pour mieux que vous saisissiez ce par quoi on est passé, je vais tout simplement vous retranscrire ce que j’ai écrit dans mon carnet de bord à chaque jour (et ajouter des détails pour que vous puissiez comprendre). 22 septembre MALAISE. L’accueil est assez ordinaire, on ne nous présente même pas aux autres, on ne se fait même pas expliquer comment ça va fonctionner. On ne connaît pas les lieux, on ne connaît personne. Nuits-Saint-Georges, c’est 3 rues à visiter, pas de café Internet, pas de magasins, que des dépanneurs et autres commerces qui nous sont inutiles. Quand les autres vendangeurs arrivent, on est un peu déçues. C’est une gang de retraités en chaleur qui nous passent des commentaires cochons à tout bout de champ. Je sens qu’on va avoir du fun… 23 septembre Ouf! Quelle journée! J’ai mal au dos et aux jambes. Je suis crevée et j’ai des coupures sur les doigts. Les vendanges, c’est poche. On souffre et on n’a pas tant de fun que ça. C’est long et éprouvant. On s’était fait dire que ce serait le party et on pensait donc qu’il y aurait plein de jeunes voyageurs comme nous, qu’on aurait du fun en masse. C’est assez loin de notre réalité. Il nous reste encore 11 jours…Mais bon, on devrait s’en sortir! Depuis qu’on est arrivée, on se demande ce qu’on fait là. 28 septembre Les vendanges, ici, c’est un vrai défi. À la fois physique et psychologique. C’est dur pour le dos, les mains et les jambes. On attrape le rhume et on a froid tout en étant mortes de fatigue. Mais on perd aussi le moral, on se sent jugées et rabaissées parfois. Nous qui nous intégrons si facilement habituellement…Là, il faut travailler fort pour réussir à sentir qu’on se fait aimer par le boss et sa femme. Avec les trois cuisiniers, ce n’est pas facile non plus… Malgré tout, l’ambiance est généralement bonne, on sait qu’on travaille bien et on s’entend bien avec les autres vendangeurs. Les soirs, les soupers, c’est génial! On mange bien, on mange trop. Nos retraités sont vraiment cools et on commence à savoir comment agir avec le boss. Il juge beaucoup les gens, il voit d’abord le négatif chez les autres. On ne peut pas dire que les propriétaires du domaine sont très ouverts d’esprit et chaleureux, mais bon, Kéane et moi sommes des filles fortes qui savent ce qu’elles valent alors on essaie de ne pas trop s’en faire avec ça. Mais quand même…c’est déstabilisant parfois, de toujours se demander ce qu’ils pensent et disent de nous. 4 octobre Aujourd’hui, on n’en revient pas. Y’en a qui prennent tout le monde pour des cons! On se croirait à l’armée! Ils rient dans la face des gens. Ils manquent de respect. Ils se foutent des autres. Ils sont sournois, c’est de la pure méchanceté. Ce n’est jamais assez. Ils trouvent des bibittes à tout le monde. Tout le monde est con. Personne n’est jamais à la hauteur pour eux. C’est pathétique! On n’en revient pas. Nous qui voulions être confrontées à nous-même, apprendre à nous connaître, repousser nos limites…On est servies…! Contre tous les bons moments passés avec des gens sans malice, il y a toujours les cuisiniers pour nous rappeler que les gens peuvent être cruels. Ces personnes n’ont aucun respect envers les autres. Mais en cuisine, ils n’ont peut-être rien d’autre à faire que de parler dans le dos des gens…C’est dommage, parce que les « cons », ils travaillent pour leur domaine! Ça prend des cons pour engager des cons, tiens! Voilà ce que j’en pense! Kéane et moi on tient la route comme on peut. Vaut mieux en rire que d’en pleurer, et ça n’a jamais été aussi vrai! Et pour rire, on rit en masse. Parce que sinon, on ne ferait que pleurer. Voici la goutte qui a fait déborder le vase. Dimanche, c’était jour de congé (le seul). Après avoir été à la chasse avec un employé du domaine, Kéane et moi nous étions offertes pour cuisiner pour toute la gang. On s’est dit que ça ferait plaisir aux autres de goûter à un met typique du Québec et que ça donnerait un break aux cuisiniers. Une bonne poutine de luxe, ce n’est pas trop compliqué à faire et ça fera le bonheur de tout le monde. Eh bien, ça n’a pas été si facile…! Non seulement on a eu notre trio infernal de cuisiniers dans les pattes, mais ils ont tout fait pour nous faire rater notre repas. Après leur avoir donné notre liste d’épicerie, on constate qu’il n’y a que 17 patates et 1 seule petite boîte de sauce brune pour VINGT PERSONNES…! Ça fait 10 jours qu’ils cuisinent pour la gang…il me semble qu’ils devraient savoir que ça prend plus de 500 ml de sauce pour servir tout le monde! C’était quoi leur mission du jour? Nous faire rater notre repas? Si tu ne veux pas qu’on cuisine…dis-le! Ben VLAN! Dans vos dents! Je vais vous en faire une, moi, une *** de sauce! On est débrouillardes et on sait cuisiner, ou du moins, improviser! Malgré la colère, nous avons réussi à faire un bon repas que tout le monde et même le boss, a aimé! YESSS! Ça peut vous paraître exagéré de se fâcher pour une telle situation. Vous devez vous dire qu’on est susceptibles et tout…Mais quand c’est plein de petites affaires comme ça à tous les jours, que tu les vois rire dans la figure des autres et parler dans le dos de tout le monde, quand il y a toujours des trucs sournois comme ça qui arrivent, tu te dis que tu n’es pas folle, que c’est vraiment ça qui est en train de se passer. On pourrait vous en raconter pendant des heures, des histoires de même. Au moins, on n’a rien à se reprocher. On sait qu’on est super efficaces dans les vignes, on est sociables et serviables. On n’a fait aucun écart de conduite et on a toujours été ponctuelles. On est peut-être trop parfaites, quoi! On ne sait plus comment réagir. Il n’y a que le rire qui nous vient. Au moins, ça c’est positif. Au lieu d’avoir l’air bête, de faire nos offusquées ou nos frustrées, on rit, on sourit. Ne jamais se montrer vulnérable, être en possession de nos moyens, rester confiantes, rester fortes et ne pas flancher, ne pas leur donner raison. Rester nous-même et leur démontrer qu’on n’est pas dupes mais que ça ne nous atteint pas. J’irais jogger, faire du kick boxing, crier, n’importe quoi pour me défouler, me vider la tête! 6 octobre C’est finiiiiiii! Hier, c’était la paulée. C’est la fête de fin de vendanges. Et même si on n’était pas trop dedans au courant de la journée, même si le comportement de certains nous dégoûtait en fin de vendanges, nos batailles dans le raisin pourri, le gazon frais coupé, la boue et le défilé festif nous a redonné un boost. Se remettre belles (parce qu’après les batailles dans la boue, on n’était pas chic), ça a fait du bien! À la paulée, le boss a fait un discours un peu surprenant à propos de l’ambiance remarquable de cette année, de la belle gang qu’on était. Euh…on a vécu les mêmes vendanges ou pas? Après, il est même venu nous féliciter en personne, Kéane et moi, pour notre bonne humeur, notre bon travail et notre bonne compagnie aux repas. WOW. Ça c’est le plus beau cadeau qu’on pouvait avoir! Exception faite de la bataille de gars jaloux et des polonais trop saouls, la soirée a été GÉ-NI-ALE! On s’est entourée des gens avec qui on s’entendait le mieux et on a passé un super moment. Malgré tout, je garde un bon souvenir de mes vendanges. Je suis fière de moi, de nous. Je suis tellement heureuse d’avoir cru en moi, en nous et d’avoir eu raison.
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